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lundi 30 janvier 2012

Le 5 octobre 2011, une citation de Jude Stéfan aura fonction de pensée lancinante et lançante à l’occasion de l’écriture du douzième poème, extraite de Variété V (Le temps qu’il fait, 1995) : « Le désespoir est l’état normal », elle en sera le tempo in absentia, écrite en haut de page consacrée au brouillon du poème. Mais le poète traque la phrase qui construira et composera le poème « De l’intensité », car, le poème est, avant toute chose, en vers ou en prose, et depuis toujours, sans conteste possible, le poème est de la phrase (déroulée, coupée, découpée, entrecoupée, enjambée, rejetée, libérée, désunie etc. etc. etc. etc.) : : : : : : : : : : tout est phrase ; tout tend vers la phrase : : le poète, et le poète, a toujours une phrase au bout de la langue ; une phrase imparfaite, en cela, idéale, voire. Le poète cherche la phrase qu’il déposera sur la page ou sur l’écran en manière d’agencement d’une décision de poème. Il importe au poète de créer le Pont sur le Vide, entre la langue et son support : le support est devant les yeux, la phrase derrière les yeux. C’est ce regard-de-langue penché sur le vide qui caractérise le travail du poète : construire un pont : la phrase. La langue s’appuie sur le vide. La phrase doit être faite de force. « Ce qui rend sensible cette force, c’est son élan, son mouvement vers l’avant ; et puisque chaque écrivain fait d’une construction grammaticale autre chose qu’une armature, ou un squelette, c’est évidemment à lui inventer les moyens par lesquels l’élan de la syntaxe manifeste la force qui propulse en avant. » (Jean-Paul Goux, La Fabrique du continu) L’élan, c’est la phrase sur le bout de la langue ; un perpétuel élan ; un recommencement tendu ; une volonté de puissance. Non point l’attente de la phrase qui tomberait du ciel comme la pluie qu’attend et implore l’agriculteur en période de sécheresse en levant les yeux au ciel ou en tapotant sur son baromètre, dès fois que ça ferait venir la pluie. Le Savon, ou « La figue », de Francis Ponge, sont des chercheries de phrase, des travaux en progrès par élans renouvelés, exemplaires du poète au travail :

« 1er septembre 1958. Il existe dans l’homme une faculté (non précisément reconnue comme telle, bien que ce soit la faculté supérieure de son esprit), une faculté (dis-je) de saisir que les choses existent justement parce qu’elles sont – et resteront toujours – incomplètement réductibles à son esprit.
La reconnaissance (et l’amour et la glorification) de cette existence des choses (ou aussi bien des êtres) si variées, si inattendues, si imprévisibles (non, pas indicibles), telle est la fonction supérieure de la poésie : c’est la chose la plus naturelle du monde.
La poésie est la façon métalogique (intellectuelle) de nous en tirer : elle consiste à se tromper de mots (à se payer de mots).
Cela est plus que légitime. »

(in Comment une figue de paroles et pourquoi)

Se tromper de phrase : le poème est une nouvelle erreur : recommencement de l’erreur : « La phrase est ce moment où une phrase nouvelle se forme, l’avènement de sa singularité » (Pierre Alféri). Un chercheur de phrase, le poète ; il forge dans la recherche ; un sanglier truffier.


Le 6 octobre 2011, un effort constant pour retenir la phrase qui est sur le bout de la langue, parce qu’un nombre incalculable de phrases échappe à tout un chacun, quoi met en souci le poète : : : : le monde n’est que phrases, à tout vat, l’être humain est phrases, déborde de phrases. Cette phrase, fuyante, désirée, est trouvée en empruntant mille détours rusés, c’est-à-dire en l’oubliant pour mieux la penser, et quand elle trouvée, elle demeure insatisfaisante. On dit que le poète est celui qui trouve (le trouveor médiéval) parce qu’il fait (le faitre, le faiseor) et compose (cf. Jacques Roubaud), mais à partir de cette phrase mal-trouvable s’elle n’est pas introuvable, le poète ne serait-il pas, si on suit le déroulement de la pensée du poète, un introuveur ? Mais il controuve : il imagine avec intensité cette phrase qu’il aurait pu retrouver sur le bout de la langue.





DE L’INTENSITÉ

Le faire de phrase est ce qui, dans le réseau pensant de l’homo poeta faber sapiens, est la plus dynamique des intentions de départ lancée telle une série d’excitations énergétiques par quoi se nécessite de retrouver phrase sur le bout de la langue et phrase perdue pour toujours à cause que quelque chose manque au langage et dont la non-trouvaille trouvée fera montre qu’à cœur vaillant tout est impossible et trouvement rhétorique l’obtenu final, évident dès l’élancée du poème qui s’est, en ce pendant, transformé en inventeur d’intensité —

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