Nombre total de pages vues

lundi 31 octobre 2011

Le 22 juin 2011, le poème « Du bloc » sera élaboré selon le schéma suivant : le poème à figure filée de soi soufflé (allégorie) dans un bloc (le poème en bloc) à « structure dynamique » interne àest Poème (la majuscule de la figure allégorique) ; dans quoi il faudra faire entrer :
- connaissance et re-connaissance du réel (inspiré/expiré)
- poète spirométrique (physique) et pneumatique (intellectuel)
- facultativement : une référence au souffle selon Kerouac (: « je veux être considéré comme un musicien de jazz qui souffle un long blues dans une jazz session d’un dimanche après-midi »).
- facultativement : une référence à Öyvind Fahlström : « De tout ceci, il résulte que ce qu’ai appelé la concrétion littéraire, pas plus que la concrétion musicale et la non-figuration de l’art pictural, n’est un style ; elle est d’une part, pour le lecteur, une manière de vivre un art linguistique et, d’autre part, pour le poète, une libération, une légitimation de tout matériau linguistique et de tous moyens pour le travailler. »
- facultativement : une référence à la fonderie.

ð Le poème est un travail de montage.

(Voici posées quelques contraintes : nécessités à dire coulées dans de la syntaxe personnelle, tout en ne sachant pas d’avance néanmoins si toutes les contraintes posées pourront être sollicitées, quoi qu’il en soit, elles ont fonction de bases de lancement.)


Le 23 juin 2011, sur la dernière page de garde de son exemplaire de Tel quel (Paul Valéry), le poète a pris quelques notes :
EProvoquer l’accident : écrire.
E Le poète est un ratureur : la rature anéantit même et à jamais la notion d’inspiration (de spontanéité) ; le geste de raturer est une recherche du plaisir, voire de la jouissance, onaniste : le geste de raturer plusieurs fois le même mot ou la même phrase en incessant va-et-vient de la main ressemble à ce geste masculin.
ELe geste se travaille, la rature se travaille, car l’impossible perfection se veut : la mort heureuse ::::: sans la crainte (d’un dieu).
ELe travail manifeste le goût pour la maîtrise : maîtrise autant que possible de son destin d’écrire.
ELe poète pose des conditions préalables au poème, qui ne souffrent pas d’attendre.
EÉcrire un poème : élaborer un système interne qui produira un bel objet visuo-auditif.
ETravail sur le poème : lui faire contenir raisonnement et sensation : raisonnement de la perception et sensation de l’idée.

EEE :
Inspiration.
Supposé que l’inspiration soit ce que l’on croit, et qui est absurde, et qui implique que tout un poème puisse être dicté à son auteur par quelque déité, – il en résulterait assez exactement qu’un inspiré pourrait écrire aussi bien en une langue autre que la sienne, et qu’il pourrait ignorer.
(Ainsi les possédés de jadis, tout ignares qu’ils pouvaient être, parlaient hébreu ou grec dans leurs crises. Voilà ce que l’opinion confuse prête aux poètes…)
L’inspiré pourrait ignorer de même l’époque, l’état des goûts de son époque, les ouvrages de ses prédécesseurs et de ses émules, – à moins de faire de l’inspiration une puissance si déliée, si articulée, si sagace, si informée et si calculatrice, qu’on ne saurait plus pourquoi ne pas l’appeler Intelligence et Connaissance.

(…)

L’inspiration est l’hypothèse qui réduit l’auteur au rôle d’observateur.

(…)

L’être qui travaille se dit : Je veux être plus puissant, plus intelligent, plus heureux – que – Moi.

(…)

Un poème doit être une fête de l’Intellect.

(...)

L’idée d’inspiration contient celles-ci : “Ce qui ne coûte rien est ce qui a le plus de valeur.
Ce qui a le plus de valeur ne doit rien coûter.”
Et celle-ci : “Se glorifier le plus de ce dont on est le moins responsable.”

samedi 22 octobre 2011

Le 13 juin 2011, il est décidé que le quatrième poème à écrire sera « Du bloc », arbitrairement. Le travail sur la décision évitera le grand déluge de rien ; « l’ancienne “inspiration” est devenue une coïncidence », écrit Jean Tortel, sans dire vraiment quelles choses sont mises en coïncidence. La pile de livres qui accompagnent le travail ci-exposé devient une petite pyramide instable :

Du lyrisme, Jean-Michel Maulpoix
&
Pourquoi la poésie, Fabrice Midal
&
Petits traités 1, Pascal Quignard
&
Petits traités 2, Pascal Quignard
&
Chercher une phrase, Pierre Alféri
&
Le Livre à venir, Maurice Blanchot
&
L’Espace littéraire, Maurice Blanchot
&
Comment une figue de paroles et pourquoi, Francis Ponge
&
Ego scriptor, Paul Valéry
&
Tel Quel, Paul Valéry
&
Progressions en vue de, Jean Tortel
&
Oswald de Andrade, Une poétique de la radicalité, Haroldo de Campos

La coïncidence naîtra des fouilles, en partie, intra-libros ; car le bloc, c’est la forme-énergie, le souffle de la cage thoracique nécessaire pour s’élancer.

————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————
————————————————————

La forme ci-dessus figure n’importecommentement la cage thoracique, mais la figure, et le lignage, l’énergie-souffle contenue dans la cage-bloc au moment de l’écriture du poème ; autrement dit : poème en bloc (de prose (énergique (du souffle (tendu)))).


Le 19 juin 2011, Travail du poème d’Ivar Ch’Vavar vient augmenter le pyramide bringuebalante.


Le 21 juin 2011, et la difficulté à travailler le poème « Du bloc » qui doit être porté par l’idée d’Haroldo de Campos pensant le poème comme « structure dynamique », et contenir l’idée de souffle physique, de spirométrie du poème plutôt que pneuma (et sa spiritualité dénotative), parce que la spirométrie vise « à déterminer, de manière relativement simple, les paramètres de différentes capacités pulmonaires, les volumes pulmonaires et les débits d’air (inspiration, expiration) d’un patient », quand bien le poète n’est pas un patient, qui n’attend ni ne subit, c’est un impatient, prompt, actif, dominateur, l’agent grammatical du souffle de voix active ; il n’est pas écrit par, il écrit. Mais, spiromètre, il inspire du réel qu’il expire dans la forme qu’il a choisie. Ce souffle donne forme interne au bloc, le bloc est bloc de souffle, c’est pourquoi le poème en bloc est une forme-souffle aussi bien qu’une forme-rythme, une forme-voix, une forme-tension, une forme-intensité, une forme-complexe, tout à la fois et à chaque un peu de tout ça, tel poème insistera plutôt sur telle ou telle qualité, en présence des autres en ce pendant. Acceptons néanmoins une part de pneuma si la capacité respiratoire fait entrer la connaissance du monde par inspiration de l’air ambiant puis expose son entendement poétique du monde par expiration (d’après le principe d’Héraclite de la connaissance du monde par le souffle). Il faut donner une forme concrète au souffle vital, le poème ; si le poème est vital. Écrire comme on respire. S’il n’y a pas une forme concrète et solide pour contenir le souffle verbal du poète, le souffle se diluera dans l’espace ; fonction vitale de l’être humain est de respirer, fonction anormale du poète de rendre visuel le souffle,… travail de longue haleine ; car le respirant-poète se concentre sur sa captation essoufflée du monde, puis sur la mise en captation essoufflante du monde. Le poète est une machine en ébullition. Spirométrie est respiration concrète, physique ; pneumatique est respiration abstraite, intellectuelle.

Plus tard.

Le poète a entamé sa dernière semaine de résidence in situ, il est devant l’ordinateur, il écrit dans son carnet de résidence qu’il est devant l’ordinateur, la porte-fenêtre est grand ouverte, il fait beau, il fait doux, F. lui a hersoir donné son récit publié par l’association Les Rias, Les larmes de la foi, il réfléchit à son poème « Du bloc », et pense à sa lecture de Tel Quel, à partir de laquelle il a pris quelques notes suscitées par les réflexions de l’écrivain sur le verso de la dernière page de garde et qu’il recopiera, brutement, dans son carnet, il pense également à sa lecture d’un des Essais choisis de l’artiste suédois Öyvind Fahlström, qu’il a lu à cinq heures ce matin et qui s’intitule « Manifeste pour une poésie concrète » et contient un certain nombre d’éléments susceptibles d’infléchir légèrement sa réflexion, ou de confirmer certains de ses avis tranchés, voire de constituer de la matière pour un poème, dont cela : « Tout sauf l’indolente mollesse du moindre effort… ! », et : « le rythme est lié aux pulsations de la respiration, du sang et de l’éjaculation » (c’est le poète qui insiste dans le gras du texte).

vendredi 14 octobre 2011

Le 11 juin 2011, l’inspiration : par quoy un dieu investirait l’inconscient ? Le poète songe modifier le titre de l’ouvrage qu’il est après écrire, non plus « Blocs, (& Journal afférent) », mais « Blocs, et journal afférent », et nous allons voir pourquoi.
(Mais auparavant de développer la chose, une note entre parenthèses afin d’expliquer la raison torte pour laquelle on pourra lire « quoy » et « pourquoi », et non pas « quoy » et « pourquoy », ou « quoi » et « pourquoi » : « quoy » vint pendant l’écriture dans le carnet de façon naturelle, spontanée, et il ne fut pas question de corriger cela, car le poète, de cette manière, affiche l’influence de ses lectures des textes anciens, son goût pour le moyen français et pour la présence de ce « y » ostentatoire et prestigieux en lieu et place du « i », son attrait pour la graphie à l’œil que défendaient certains écrivains et grammairiens de la Renaissance ; coquetterie, préciosité ? : et comment !)

En effet, la mise entre parenthèses de « & Journal afférent », indiquerait que le poète accorde une importance accessoire au journal accompagnant l’écriture des poèmes en bloc de l’ensemble en cours d’élaboration, or que nenni, poèmes en bloc et journal sont issus d’un souci commun de réflexion et de création ; l’un, le journal, accompagne les autres, les poèmes. Le choix de l’hyperbate dans la modification remet à sa place l’importance du journal, au final, plus conséquent que les poèmes. Quant au remplacement de l’esperluette (ou de la perluette) par le coordonnant « et », essayons de poser l’explication rationnelle qui, on le verra, se retournera sur elle-même.

PETITE LEÇON SUR LES ORIGINES DE L’ESPERLUETTE- L’& est ce qu’on appelle en typographie une ligature, assavoir la fusion de deux graphèmes, du « e » et du « t », cette ligature de graphèmes a produit le logogramme &. Du graphème au logogramme, voici l’évolution :

                      

L’origine dudit logogramme & est incertaine : Tiron, secrétaire de Cicéron, en serait l’inventeur, mais on n’en trouve pas trace dans ses manuscrits ; trace qu’en revanche et nombreusement on relève dans les manuscrits médiévaux : en effet, les copistes avaient l’habitude d’user d’abréviations de diverses natures (et rien ne prouve que ce fût par souci d’économiser le parchemin), et utilisaient l’& pour le coordonnant « et » ainsi que pour « etc. » (&c.). Cela étant, dans certains manuscrits, on pouvait trouver l’esperluette en lieu et place de « et » au sein d’un mot ; ainsi, dans les Serments de Strasbourg, on peut lire « faz& » pour « fazet » (fasse) (ligne 7) :


Au XIXe siècle, on considéra ce logogramme comme la 27ème lettre de l’alphabet, la dernière, appelée « ète », et les enfants, lorsqu’ils récitaient sagement l’alphabet dans les écoles, après le Z, prononçaient ces mots latins pour se souvenir de ladite 27ème lettre : « et, per se, et » (et, en soi, et) ; qui devint esperluette. Le poète vit pour la première fois l’esperluette pendant le temps où, jeune lecteur, il lisait les écrivains de la Beat Generation, chez Jack Kerouac notamment, et chez quelques poètes français héritiers du mouvement, comme Hervé Merlot :
& cette longue détresse qui hurle dans l’infini du corps
dans un réseau de nerfs à la trame serrée
l’ouvrage de Vulcain un soir d’après débauche
le nœud de sa mémoire
& son grain – je suis dit-elle
ta promesse l’écartement des doigts
sur l’hexagramme d’un temps moissonné avant-hier
en Egypte ou sur un bûcher
dont il m’est souvenance quelquefois à minuit
quand mes hiboux halètent & se dispersent
entre mes cuisses drues
la sueur les cris cheveux poissés de sang sur les draps
qui ravive l’ardeur
je de rigueur & de perdition

(La Femme métamorphique, Le Dé Bleu, 1986)

Mais cette gentille digression n’argumente guère sur la raison pour quoi le poète veut remplacer l’esperluette par « et », voire au contraire : : : elle tendrait à défendre la place de ladite esperluette, d’autant que si le Moyen Âge et la Beat Generation en usèrent fort, les poètes de la Renaissance en usèrent de même, et copieusement (pour des raisons d’élégance visuelle ?), le sonnet XXVI de L’Olive de Du Bellay tiendra pour exemple :

La nuit m’est courte, & le jour trop me dure,
Je fuy l’amour ; & le suy’ à la trace,
Cruel me suis, & requier’ vostre grace,
Je pren’ plaisir au tourment que j’endure.

Je voy’ mon bien, & mon mal je procure,
Desir m’enflamme, & crainte me rend glace,
Je veux courir, & jamais ne déplace,
L’obscur m’est cler, & la lumiere obscure.

Vostre je suis, & ne puis estre mien,

Mon corps est libre, & d’un etroit lien
Je sen’ mon cœur en prison retenu.

Obtenir veux, & ne puis requerir,
Ainsi me blesse, & ne me veult guerir
Ce vieil enfant, aveugle archer, & nu.

Moyen Âge, Renaissance, Beat Generation, voilà deux  raisons de changer d’avis en cours d’argumentatio, et d’aller outre les scrupules de n’avoir mie en usage l’esperluette, ainsidoncques sera-t-elle maintenue : « Blocs, & Journal afférent »

samedi 8 octobre 2011

Le 10 juin 2011, dans la nuit du 4 au 5 octobre 1892, Paul Valéry, tandis qu’un violent orage faisait rage, prétend la légende, connut une grave crise existentielle, dont il sortit décidé d’abandonner la littérature, de ne plus écrire de poèmes, pour se consacrer à la vie de l’esprit : pendant vingt ans il ne publia aucun poème, se concentra sur l’expérience rationnelle d’être, explora son propre fonctionnement : « je suis monde, corps, pensées » (Analecta). Crise qui est panne dans le jeune système P.V., panne dont les causes furent multiples, dont on peut subodorer parmi celles-ci (c’est une appréciation personnelle) la mort de son maître à penser, Stéphane Mallarmé, et une détresse amoureuse : il fallut, donc, une vingtaine d’années pour réparer la panne, une longue réflexion sur la machine interne. Noircir des cahiers revint à explorer la machine défectueuse. C’est par ainsi qu’il avança :

« Je n’aime pas la littérature, mais les actes et les exercices de l’esprit. »

&

« Un poème doit être une fête de l’intellect. »

&

« La pensée doit être cachée dans les vers comme la vertu nutritive dans un fruit. »

=

Le poème, en tant qu’acte et exercice de l’esprit, est une fête de l’intellect nutritive ?

&

LE POÈME DOIT ÊTRE PENSÉ ET PENSÉE

???. . .


lundi 3 octobre 2011

Le 9 juin 2011, « d’où vous vient votre inspiration ? » : l’écrivain qui ne remet pas la question en cause, ne la fait pas se retourner sur elle-même, pourra être soupçonné d’un pacte avec les dieux, ou de participation passive au mythe de l’inspiration et de l’écrivain inspiré, et de participation à l’imposture qui fait bien trop florès et qui pis est, à cette sorte forfanterie baliverneuse ridiculement teintée d’hypocrisie du poète ordinaire-MAIS-inspiré-DONC-pas-si-ordinaire: le poète n’est pas un homme ordinaire ::::::: il aime le travail, il aime le verbe, il aime s’empoigner érotiquement avec la langue, aime faire bouger la langue dans la langue, langue contre langue pour faire langue avec, or, comme tout art l’exige, cela demande attention laborieuse de tout instant : il n’y a pas d’amour s’il n’y a travail sur la faiblesse d’être, celle-là qui fait tomber dans l’ordinaire mollesse et banalité. (Ne seront pas reproduites ci-après les pages du carnet par lesquelles le poète s’emporte contre le mythe de la page blanche et l’image de l’écrivain (car la notion d’inspiration a débordé de son cadre poétique), la tête dans les mains et en attente que tombent du ciel les mots qui s’enchaîneront comme par miracle et composeront le texte sous ses yeux émerveillés d’écrivain dépossédé, pages en lesquelles le poète préfère évoquer, quant est de lui, l’idée de panne mécanique dont il faut retrouver l’origine dans la machine interne…)