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lundi 19 décembre 2011

Le 17 août 2011, ça n’est pas sans une POINTE d’auto-agacement que le poète découvre dans sa bibliothèque, et qu’il avait oublié, raison de l’auto-agacement, ce livre et titre de Stéphane Bouquet publié à Champ Vallon en 2011 : Dans l’année de cet âge (108 poèmes & les proses afférentes) : le livre est divisé en deux parties : la première contient les 108 poèmes, numérotés, et la seconde, le  journal des circonstances d’écriture des 108 poèmes, sous la forme de 108 prose numérotées. Dans un premier temps, le poète, avec ses « Blocs, & journal afférent », se sent à la fois : idiot, penaud, ré-auto-agacé, néantifié, désemparé, démuni, découragé, démissionnaire, copieur, inoriginal, aquoiboniste, futile, courroucé, interrogatif, questionné, relancé, combattif, et décide, écrire procède par bonds décisionnels, qu’il changera de titre, point barre ————————————————
Il lui faut, ores, réfléchir à un nouveau titre.
« 20 blocs, et leur journal de construction » ? : mauvais.


Le 6 septembre 2011, après quelque trois semaines presque d’éloignement et d’interruption, il faut reprendre le collier pour ne pas perdre le fil, en ce pendant que l’état brouillon du projet continue d’être publié sur le blog, poursuivant de cette manière la résidence e situ ; un nouveau titre n’a pas été trouvé. CQFT. Une prime recherche dans le Thésaurus ne provoque aucune étincelle à l’entrée « afférent », une deuxième recherche à l’entrée « appartenance » donne une piste, au mot « dépendant » ; « Blocs, & journal dépendant » ? Quoi laisse sceptique.


Le 9 septembre 2011, peut-être un titre allongé conviendrait-il ? : « Blocs, & journal de travail ayant été écrit… » ; le poète stoppe immédiatement son élan, tant l’idée lui apparaît comme plus que mauvaise. « Blocs, & journal d’accompagnement » ? Terne. Le poète, décidément un peu obtus, revient au titre allongé, et s’essaie à celui-ci : « Blocs, & journal de travail, & d’accompagnement, & complémentaire, & dépendant, &… » : : :  ce qui ne lui dit rien qui vaille ; cependant, le mot « dépendant » le conduit à « dépendances », qui est un mot pour lequel il n’est pas sans affection, par quoi il décide d’aller dans Le Grand Robert de la langue française lire de quoi il retourne, ce qui le mène, par la plus grande des sérendipités, dont il n’importe pas d’en décrire les détails, au mot « attenances », marqué « (vx) », « attenances » au sens de « dépendances contiguës » ; le mot retient immédiatement les faveurs du poète, qui l’adopte, non sans une pointe de satisfaction aiguë :


BLOCS, & JOURNAL D’ATTENANCE


Le 10 septembre 2011, cela étant, l’idée d’un sous-titre à rallonge et méta-discursif n’est pas écarté. Le poète va reprendre le rythme de réfléchir ; et devoir choisir la manière arbitraire par laquelle il décidera du poème à écrire parmi la liste des poèmes à écrire et qui n’ont pas encore été écrits :
- de la ponctuation
- de l’intensité
- des langues anciennes
- de la tension
- des blocs
- de la prose
- du coc-à-l’asne
- du cadratin
- de la complexité
- des nœuds
- de la citation
- des mots-outils
-des  marmonnements mammaires (remplacé à l’instant pas l’humour parce que ce semble un aspect important de son travail et contrairement à ce qu’on put en dire, du crypto-humour, certes, mais) de l’humour
- des livres
- de la langue
- de l’énergie
- de l’art rhétorique
- des néologismes
- du baroque et maniérisme
- du rythme

Ce qui consistera par un regard appuyé sur ladite liste et être à l’affut des réactions internes devant tel ou tel mot, ces réactions internes, qu’il ne serait point approximatif d’appeler stimuli ; interroger à la vitesse de la lumière l’intensité des stimuli devant les mots de la liste, en effet, plus le stimulus sera intense, plus favorable sera l’efforcement du plaisir, or, ce pensant et ce faisant, quelque chose remue plus distinctement à la proposition « de l’art rhétorique », parce que cela entre en résonnance avec une pensée de Du Marsais qui le tarabuste depuis quelques jours : « En effet, je suis persuadé qu’il se fait plus de Figures en un seul jour de marché à la Halle, qu’il ne s’en fait en plusieurs jours d’assemblées académiques. Ainsi, bien loin que les Figures s’éloignent du langage ordinaire des hommes, ce serait au contraire les façons de parler sans Figures qui s’en éloigneraient, s’il était possible de faire un discours où il n’y eut que des expressions non figurées. Ce sont encore les façons de parler recherchées, les Figures déplacées, et tirées de loin, qui s’écartent de la manière commune et simple de parler ; comme les parures affectées s’éloignent de la manière de s’habiller, qui est en usage parmi les honnêtes gens. » (Des tropes ou des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Ouvrage utile pour l’intelligence des Auteurs, & qui peut servir d’introduction à la Rhétorique & à la Logique, 1730) ; propos qu’il met en comparaison avec ce qu’écrit Pierre Dupriez en introduction du Gradus, les procédés littéraires : « En réalité, les figures foisonnent, envahissent non seulement la littérature mais la langue […] Elles sont là dans tous les problèmes de communication langagière ou autre, publique ou intime ; elles font le joint entre l’inconscient enraciné dans le corps propre, dans le milieu familial et social, avec ses pulsions, ses intentions, ses souvenirs, et la phrase exprimée, structure de “ surface” située et concrète, geste visible, trace laissée. » Le poète cultive la conviction que le poème est un art du langage, est un art de convaincre au moyen de tous les procédés que possède le langage ou une langue, est un art de convaincre de la justesse de pensée incluse dans les poèmes, est un art de pensée émue, est un art ayant recours aux subtilité des langages.

mercredi 7 décembre 2011

Le 1er août 2011, non-da, ja mes, l’écrivain n’est en vacances.


OUVERT POUR RAISON
DE TRAVAIL CONTINUEL




Le 3 août 2011, quelques marginalia écrites en lisant Travail du poème d’Ivar Ch’Vavar aux éditions Les Vanneaux :

Le titre ouvre plusieurs problématiques avant même que d’ouvrir l’ouvrage : quel est l’agent actif de la proposition, le mot « travail » ou le mot « poème » ? Quelle relation entre les deux mots et ce qu’ils impliquent de réalité ? Le mot « poème » est-il un mot qui travaille ?... Faut-il entendre plutôt une interaction ? Comment entendre l’absence de déterminant devant le mot « travail » ? La force de la préposition est immense, elle multiplie les pistes : le poème serait le fruit du travail, ou le poème est ce qui travaille (torture l’esprit) (sous-entendu : du poète), ou bien encore : le poème travaille encore quand il est achevé (le poète, le lecteur). Expérience active ou expérience passive du poème (à écrire, écrit) ?

Épique tâche mentale de transformer le monde intérieur (abstrait) en poème concret : « Le poème, qu’on le considère comme cadre ou comme chant, est concret. » Tâche que de faire coïncider « espace poétique » et « monde mental », le poème est la révélation visible du jeu entre les deux : le poète travaille le jeu.

« Le recours aux formes est nécessaire. Il n’y a pas d’art, de poésie sans forme, sans cadre. » On approuve, mais Ivar Ch’Vavar nous plonge dans les abymes complexes de la contradiction, car plus haut est écrit : « La poésie peut se déployer ailleurs que dans le poème : peinture, musique, roman, cinéma. A-t-elle-même besoin d’un support ? Elle se déploie dans la rêverie, l’hallucination… ou la vie quotidienne ! On peut dire que la poésie est partout et que tout ce qui la porte est poème », assertion avec laquelle un désaccord est ici affirmé, quoi qu’en dise le bon air du temps qui voudrait faire de tous, des poètes… La poésie est un ensemble plein qui contient tout ce qui se fabrique, dans le langage, au nom revendiqué et assumé et artistique de poème.

Les poèmes justifiés d’Ivar Ch’Vavar sont l’expression d’un travail minutieux devenu spontané à force de minutie, la preuve par lui de la nécessité d’un cadre formel élaboré dans laquelle le poète peut développer, linéairement ou fragmentairement, son récit, sa rêverie… Ch’Vavar considère ses poèmes justifiés comme des tableaux musicaux.

« Quand j’écris un poème, c’est dans un état de concentration, et, à la fois, de confusion, extrême. »

Le poète travailleur, a contrario du poète inspiré, serait-il un sous-doué de la poésie ?



Intrusion digressive au cœur de ces notes : en feuilletant et relisant quelques pages des Rêveries d’un promeneur strasbourgeois de Jean-Paul Klée, le poète ne peut résister à l’envie de reproduire ce passage : « j’aime le coq-à-l’âne, cette broderie saut-ruisseau qui fait qu’on aborde tout sans conclure ni pesanteur, on ne traîne pas, on brise là, on fait l’entrechat, on sème l’allüsion par-ci par-là-bas, c’est un-e délice que d’entrevoir ou d’évoquer sans développer ni s’attarder, on va dans le pointillé, la courtoisie, le sinueux & l’imprévu, à chaque phrase il y a les cerises de la surprise & les grains de riz de l’Exquis… J’aime à l’infini cette grâce française qui dessine les vrais mouvements de l’âme & la fantaisie, les méandres dü sentiment & dü souvenir, tout ce flüx miniature qui arrime la langue & le cœur et qu’on ne lit pas dans les dissertations, les grosses théories à mourir d’ennui – j’aime La Fontaine & les Propos d’Alain, l’esprit de variété, un certain ton parisien très pur, très clair et très gracieux,… quelque chose comme d’une conversation qui n’en finirait plus mais que vous pourriez à tout instant arrêter ou continuer,… rien n’y compterait que l’oblique, l’allüsif, la demi-confidence & l’imprévu à la vitesse d’une truite « arc-en-ciel » qui vous ferait fondre le cœur à demi & parfois même, dans ses ravissants jeux de colibri, car il arrive que par l’allégresse de l’été votre bouche danse toute seule dans la brise qui bouscule l’Ici-bas, les robes des femmes, les fleurs & les drapeaux !... Quell-e vie !... »
Quoiqu’on pourrait ergoter sur certains passages (« cette grâce française qui dessine les vrais mouvements de l’âme »), le poète eût aimé signer ces lignes, ce bel hommage au coq-à-l’âne, dont il est féru et persuadé qu’il est le rythme de sa propre pensée et provoque l’élan du poème suivant :


DU COC À L’ASNE

Ni dérobade mais couture de broderie saute-ruisseau d’un décousu confus et sans discretion et labile et versatile de toutes choses confondues dans un tout issu des 5 sens qui changent tout et toujours et sans cesse et constamment que, veu le nombre de la variété des accidents, tout se dérobe et recommence autre-ailleurs à la minute et changent de sujet-direction dans des poèmes-minuties filés dans du bloc reliant entre eux, sur le sacro saint axe, pensées et perceptions non adjointes en apparoi, lait d’anesse et couilles de coq et taureau —



Travail du poème est un montage fatrasique, hétéroclite, composé d’articles, de poèmes commentés, de notes, de lettres, de préfaces, d’intermèdes, d’entretiens… Par quoi la pensée s’expose dans son désordonnancement, avec ses convictions profondes et ses contradictions, montrant une capacité de s’auto-régénérer dans le mouvement continuel de réfléchir à l’acte d’écrire et à ses raisons ; ce livre a été monté en état de crise poétique et morale : ce livre est  une crise.

Ivar Ch’Vavar remet en question son être-de-poème, séparant, malgré lui, dans ses interrogations, l’être du poème.

Le monde est langages, tout est Langage ; le poète crée un monde de Langages.

« C’est cela l’Inspiration : la langue a besoin de nous et nous aspire. Elle nous prend dans le souffle et nous donne le souffle, et (comme un gage) de quoi le peupler ». La majuscule de majesté au mot « inspiration » étonne… ; ne serait-il pas plus juste de nommer ce souffle « aspiration » ? Être happé par un souffle de réel ?


Le 5 août 2011, on demeure surpris et sceptique de ce qu’Ivar Ch’Vavar pose Rimbaud, Lautréamont et Mallarmé comme frontières ultimes de la modernité, il travaille après eux, avec eux ; ils représentent, à ses yeux, la fin de la poésie (quoi est d’un pessimisme profond, quasi nihiliste) ; trois poètes dont l’intérêt (paradoxal s’on considère le parti-pris du vers de Ch’Vavar) réside dans le renouvellement de la poésie par la prose, poème en prose ou chant en prose ou prose réflexive.


Nouvelle intrusion digressive au cœur de ces notes, mais l’urgence oblige à noter au cœur de ces notes ce qu’il faudra retenir : car : à propos du poème « Des mots outils » : aussi, vite, avant que de perdre l’autre fil : : : ledit poème sera présenté dans ses différentes strates, autrement dit du premier jet, très court sans doute, car il s’agira probablement de l’élan de l’attaque, vite stoppé, et on peut déjà poser qu’il en sera ainsi puisque le poète a décidé de la forme que prendra ce poème, en conséquence visuelle de quoi le poème sera progression de poème en ses imperfections et ratages, mais qui montrera, ce espère-t-il (le poète), la force montante, exponentielle et jouissive du travail d’écrire un poème.

Reprenons.

Crise d’un poète observant une crise de langage ; d’un poète travaillé par la poésie (« on ne s’aperçoit pas que mon travail a beaucoup à voir avec une ascèse » ::: crise religieuse ?...)

Inlassablement le poète travaille l’idée d’une forme.


Le 6 août 2011, écrire des poèmes pour « recommencer la poésie » : que Ch’Vavar appelle « travail de remise en route », ou travail de sape sur la mort (prétendue par lui) de la poésie ?

Tout poème est concret, quelle qu’en soit la teneur ; le mystère est que tout ce qui l’entoure, origine, destination, ambition, sens, lecteur, est abstrait.

Forcer la forme, jusque l’absurde, pour observer « le mystère du surgissement poétique ».

« Je veux rejeter ni le lyrisme, ni le “métaphysique”, ni l’image poétique… Je ne veux rien rejeter du tout. Il faut tout prendre. Même les trucs, disons rhétoriques, qui sont les secrets de fabrication. Ce que je repousse, c’est l’imposture : les “trucs”, quand ils veulent donner l’illusion de profondeur. On ne triche pas avec la profondeur. C’est le premier point de ma morale poétique. »

Crise d’identité face aux 111 hétéronymes dans le pseudonyme d’Ivar Ch’Vavar ; 111 autres épuiserait n’importe qui.


Le 7 août 2011, « Le poète est toujours aussi un technicien ! Il l’a toujours été. Soit il reprend et perfectionne la technique de ses prédécesseurs, soit il invente la sienne propre. Tout artiste est un technicien… » Soit. Ch’Vavar, dans ce livre, creuse et ressasse ses obsessions poétiques, se répète, et se contredit, afin d’éprouver ses convictions, comme si cela lui était nécessaire pour se renforcer. Un « horrible travailleur » de lui-même qui se métamorphose sous les yeux du lecteur en héautontimorouménos.

La poésie est un travail qui coûte.

La Grande Picardie Mentale que l’œuvre d’Ivar Ch’Vavar trace est une œuvre-monde.

Cette crise morale sienne que le poète relate (« Une crise poétique ») rappelle celle de Paul Valéry, la fameuse nuit du 4 au 5 octobre 1892.

Pseudonymie et hétéronymie pour lutter contre l’effusion lyrique, contre l’épanchement, pour se dérober à soi. Grand travailleur de la forme (le vers justifié + le vers arithmonyme), d’une forme pleine d’un lyrisme altératif ; un formaliste subjectif ? (Cadrer le personnel dans une forme rigide qui s’assouplit dans la pratique continuelle.)

Le 9 août 2011, se sacrifier pour son travail serait une forme de l’inspiration ? : « L’Inspiration n’est pas d’une seule sorte. Contrariée, elle se met au travail avec nous, et ce n’est pas un petit travail, on se bat sur chaque vers et sur chaque mot. Mais quelquefois, la “rage” emporte tout, elle réussit à se caler dans la contrainte en emportant tout, en nous entraînant bien loin de ce que nous aurions pu écrire la tête froide. […] sans doute parce qu’à ce moment-là le poète n’est plus dans sa tête, il ne se voit plus, ne s’appartient plus : il se renonce, ou si tu préfères il s’abandonne, voilà encore un sacrifice – âpre ? suave ? – en tout cas il est tout à son travail, ou il n’est plus là du tout, et c’est alors que le voile crève et qu’un bon coup de jus de réalité passe dans le poème, l’être du réel, ce que les mots, par définition, ne peuvent dire, – et alors ils l’ont dit. » Ce sacrifice dans le travail, pour raisonner de façon moderne, après les déicides philosophiques, et par mécréantise féroce, ne serait-il pas une concentration totale  de l’être-au-poème (à la tâche) ? Le poète quitte une réalité pour une autre sans couper avec la première et pour y revenir autre lourd du passé récent d’un passage dans une réalité intérieure, à chaque moment d’écriture.

Ivar Ch’Vavar se questionne sur son état permanent d’horrible possédé ; tourne longtemps autour de cette langue qu’il, qui lui, parle.

Le recours à la lecture chamanique (qu’il évoque longuement) peut laisser sceptique un lecteur matérialiste forcené et imprégné de culture occidentale, et persuadé que tout mystère réside dans le soi-humain, que l’être génère ses propres mystères. La poésie devient douteuse dès lors qu’elle repose sur une pratique cultuelle. Si religion poétique il y a, elle est celle du lien (ou du re-lien) à établir avec un état de langue intérieur. Conclusion : nous n’en avons pas fini de trucider tout dieu, de quelque religion dont il émane.

Ivar Ch’Vavar est-il un fou littéraire ?

Ce qui est attachant dans l’ouvrage d’Ivar Ch’Vavar est son essai désespéré de devenir Pierre Ivart.

mardi 29 novembre 2011

Le 13 juillet 2011, « De la citation » sera la prochaine « source d’inspiration » travaillée ; en vampire diurne : « sugcer la sustantificque mouelle », sucer le sang divin des écrivains ; être un « maitre-voleur » (Arno Schmidt).

Plus tard (le jour même).

Il faut rajouter à la liste du « trop » ceci qui fut oublié et qui relève autant de l’intention/du projet/dessein/désir que du vouloir-dire dans le poème « De la prose » et qui s’oppose à maints propos sur la prose comme cestuy-ci : « De la prose très prose, nette et plate, en noir, comme si je recopiais la vie » (Jean-Marie Gleize, Les chiens noirs de la prose, Seuil, 1990), où la prose est assimilée au prosaïsme (généralement souvent), or, le poète oppose un refus à cette idée, car il n’est qu’à lire :
Rabelais, La vie  treshorrificque du Grand Gargantua ; Pantagruel, roy des Dipsodes restitué à son naturel, avec ses faictz et prouesses espouventables ; Le Tiers Livre des faictz et dicts Heroïques du bon Pantagruel ; Le Quart Livre des faictz et dicts Heroïques du bon Pantagruel ; et Le Cinquième Livre des faictz et dicts Heroïques du bon Pantagruel  (?)
&
Laurence Sterne, Vie et opinions de Tristram Shandy.
&
James Joyce, Finnegans Wake.
&
Arno Schmidt, On a marché sur la lande ; La République des savants ; Scènes de la vie d’un faune ; etc.
&
Maurice Roche, Compact.
&
Frederike Mayröcker, brutt.

&c. et tant.

De la prose avant toute chose, loin des basses platitudes. (Où prose élève la poésie, tombée dans elle-même.) (Où prose transgresse et abolit les frontières, et sème un délicieux trouble.)


Le 16 juillet 2011, le poème « De la citation » a été écrit trop facilement, et la facilité est suspecte. Les poèmes devront être revus de fond en comble ; on ne peut que se méfier d’un poème qu’on pense achevé. Le grand désespoir des hommes est de ne pas être Dieu, autrement dit, immortels, aussi, le poète, en tant qu’ouvrier qui se voulait aussi Grand Ouvrier, que celui que les poètes de la Renaissance désignaient ainsi, (« Ouvrier des ouvriers », Du Bartas), aussi, le poète n’a d’autre alternative, afin de baigner dans l’illusion de l’immortalité, de tendre à la perfection, et ce pensant, par le re-travail d’arrache-langue sur le poème. Car il est un fondamental qu’il n’est pas nécessaire d’énoncer quand bien le lecteur aura compris que le poète ressasse cela, et ce fondamental se résume en ceci qui sera énoncé quand même que nul n’est poète inné, de naissance biologiquement, et si on évoque tantôt l’instinct poétique, cet instinct-là est intellectuel, le processus issu d’une cristallisation d’événements et de lectures réunis dans un instant fort, cristallisation portée en son acmé quand le poète en éprouve profondément la nécessité. De même que la prédestination ne concerne pas le poète en travailleur verbal qui, penché sur la page ou devant l’écran, lutte contre les poncifs d’antiquaires qui pèsent sur le mot « poésie » : le poète est un dynamiteur de poncifs ; le travail du poème est son plaisir et sa torture, voilà ce qu’il semble difficile à admettre et à faire admettre, et ce qu’admet parfaitement un poète absolument pas doué pour la poésie.

DE LA CITATION

Innutritif intuitif, l’héautontimorou-ménos poet est un vampire inquiet sugçant chez ses pères et pairs le sang noir sustantificque de l’immortalité transmissible par joye, ainsidoncques se métamorphose en Volonté de Puissance supérieure aux petits instants sans fonds littéraire et pénètre tout de go constamment dans l’immense épopée de toile de la livresque lutte contre le Temps, car maître voleur et plagiaire derrière l’éternel et profanateur des tombeaux (certes minuscules) de l’âme-livre et voleurs des feus et des vifs —



mercredi 23 novembre 2011

Le 11 juillet 2011, au final, ayant trop à louer du gigantisme de la prose, le poète ramasse le « trop » en peu, animé de l’intention que le peu soit chargé du trop, animé de réactiver le less is more qui n’est pas dans ses sollicitations d’usage ; le poème eût dû contenir :

$ L’impériale étymologie du mot « prose » (son étymon datant du latin impérial – qui couvre les Ier et IIe siècles après J.C., période marquée par des écrivains tels Tacite, Sénèque et Pline le Jeune, elle prolonge le purisme du latin classique, avec des tournures plus recherchées et plus affectées, et renouvelle le lexique profondément grâce à l’apparition d’une littérature scientifique, on vit alors apparaître des néologismes latins ou des mots puisés dans la source grecque –, et que le poète eût aimé utiliser dans une acception courante (: « supérieur par sa qualité, son importance, sa taille… »)

$ La définition d’origine de prosa : « forme de discours qui n’est pas régi par les lois de la versification » + un léger soulignement critique pour faire entendre une considération personnelle de quoi la prose est d’élaboration libre, non contrainte et soumise par et à des lois + des allusions à l’adjectif dont prosa est la substantivation, comme prosus, « qui va en ligne droite », dans prosa oratio, « discours droit ».

$ Quelques idées qui favorisent le goût du poète pour le poème par la prose comme :

@ le retour à la ligne comme progression régulière qui ne se précipite pas vers le bas de la page, et résiste à la chute, au contraire du poème en vers qui tombe vers le bas, de la page.

@ le vers contemporain n’est que prose au cours coupé, prose bestournée.

@ malléabilité de la prose.

@ attraction de l’avant : la pensée est en avant, et la prose la poursuit, et provoque une énergie constante.

@ allusions à des écrivains et à quelques-uns de leurs écrits, à Jean Tortel, Progressions en vue de (« Les livres sont ailleurs. Mais les fragments ou minutes interrogatives, hasards ou tentatives resteront là, accumulés comme des souvenirs. Peut-être aussi comme les indices d’une certaine progression, qui ne fut pas obsessionnelle mais qui reste dans ses propres ratures, revendicatrices. De l’un à l’autre des projets d’écriture, ou de leurs mystérieux échecs, elle devrait, très simplement, apparaître »), un livre éclairant dont le poète s’est inspiré ici, en accord, et en désaccord (« Accompagner le poème d’un commentaire ? Ce serait l’enrober dans ce dernier et sans doute le faire absorber par lui. Le lecteur, d’ailleurs, n’a que faire des origines d’une parole ! »)… Pourtant la question demeure, régulièrement posée : MAIS D’OÚ VOUS VIENT VOTRE INSPIRATION ? ; allusion à Rimbaud : « La Poésie ne rythmera plus l’action, elle sera en avant », allusion à Baudelaire et au qualificatif donné à ses « poëmes en prose » : « petits ». Mais devant la multiplication des allusions venant à l’esprit quant au vieux débat poésie (i.e. en vers)/prose, le poète s’est senti absorbé, si ce n’est englouti, par l’immensité de la tâche, et s’est obligé à renoncer. (Renoncer est parfois agréable, car cela soulage d’un auto-poids.)
9 Mais… « prose » est conduite en ligne droite jusqu’au retour en bout de ligne dont la longueur sera plus ou moins arbitrairement choisie, un allant progressif en vue de, car la pensée est en avant ; « prose » est souplesse tendue, ne tombe pas verticalement vers le bas de la page, est, de fait, faite par chacun et par tous, aussidoncques, « prose » c’est la vie.




DE LA PROSE

Du haut de son impériale naissance, prose recouvre la légende des siècles, des hommes et du vers —








vendredi 18 novembre 2011

Le 26 juin 2011, le poète est un scientifique, de lui-même : il (se) recherche ; il fait de la recherche dans la langue.


Le 28 juin 2011, le poète prend la décision du cinquième poème : « De la prose » : parce qu’il suivrait logiquement « Du bloc » : bloc et prose sont liés d’une même couture. Dans « De la prose » il faudra ne pas évoquer les raisons du choix du poème en bloc de prose ; pourquoi cette direction :

poème àproseà blocà poèmeà bloc àprose

ðpoème en bloc de prose

raccourci en :::

poème en bloc

(car prose va de soi ; le vers ne fait pas bloc)


Le 4 juillet 2011, le temps physique de résidence est achevé, le poète reprend sa présence, s’en absente et se présente autrement et ailleurs, il n’y aura plus de déplacements, à dessein résidentiel tout du moins, en Ardèche, mais présence néanmoins numériquement si ce n’est par la pensée par conséquence, car le travail entamé pendant la période effective de résidence se poursuivra jusqu’à la fin du contrat (oral et moral) qu’a établi le poète avec ses hôtes et lui-même (rappel : la décision arbitraire d’écrire vingt poèmes archi-méta-poétiques, au vingtième prendra fin l’ouvrage), la résidence devient dès lors une résidence numérique, puisque le blog-brouillon de travail mis en place pour sa circonstance, « Rêverie au travail », est accueilli en résidence sur le site de l’association hôtesse, Les Rias. Il importera par conséquence de quoi, jusqu’au terme, que le poète maintienne la pression sur lui-même afin de préserver le désir contenu dans la tension et qu’attention ni concentration ne se relâchent ; tout désir est tension sinon in-tension. Il faudra empoigner la matière verbale afin qu’elle ne s’échappe point, veiller à ce que la distance géographique ne se transforme pas en distance à l’égard de l’enthousiasmant travail entamé.


Le 6 juillet 2011, « De la prose » pose problème.


Le 7 juillet 2011, le travail en progrès dans la forme choisie du journal d’atelier des vingt poèmes en bloc à écrire et s’écrivant est mis en ligne sur blog, soit, mais au chapeau d’origine, le poète a tenu à rajouter cette précision qui n’est pas d’une moindre importance :::: « ce blog est considéré par son auteur comme un passage intermédiaire ; comme le brouillon public entre le brouillon manuscrit du carnet et le livre papier à venir », car de fait, le blog ne peut avoir, et n’a pas, l’aspect fini du livre, puisqu’il est possible à tout moment d’y apporter une modification, laquelle chose est impossible avec un livre, à moins d’une réédition ; un blog est infini car renouvelable constamment, il obéit, ce qui fait son intérêt, à la labilité humaine, à sa versatilité ; le livre oblige à une certaine radicalité, papier et numérique entament un dialogue sur le fini et l’infini. Blog-brouillon pour ce que la rature (fût-elle invisible) est la manifestation héroïque des luttes d’un auteur avec l’invasion de ses propres indécisions.


Le 8 juillet 2011, le poète au travail n’est ni le bourreau de lui-même ni sa propre victime et n’est plus à déclarer sombrement :

Je suis de mon cœur le vampire,
– Un de ces grands abandonnés,
Au rire éternel condamnés,
Et qui ne peuvent plus sourire ?

jeudi 10 novembre 2011

Le 24 juin 2011, après une matinée très-agréablement laborieuse, il se fait sentir la nécessité d’une marche ; édonc, son urgence. Car il faut au corps son expansion physique de ce qui fut dans l’esprit et augmenter encore le volume des sensations : en effet, l’expansion physique de ce qui fut dans l’esprit dans le bien-être du corps en mouvement de longue marche produit un afflux de sensations pensives. Le poète se rend dans un « village de caractère » loué par F. comme étant magnifique et « à voir ! » : par quoi il décide qu’une marche autour de Chalencon s’impose ; lisant, ce auparavant, ce qu’en dit le site internet municipal :  

Au coeur du Vivarais, pelotonné à 700 m d'altitude au flanc d'un cône rocheux, Chalencon domine à l'Est le plateau vernousain. A l'Ouest, ses terrasses de pierres sèches et ses châtaigneraies centenaires contemplent sereinement la profonde et sauvage vallée de l'Eyrieux, comme l'indiquent les 2 tables d'interprétation. Les paysages, le panorama ainsi que le patrimoine historique font de Chalencon un des villages les plus pittoresques du parc naturel des monts d'Ardèche.

A 45 minutes de Valence, et de Privas, au sein du Parc Naturel Régional des monts d'Ardèche, assis sur les pentes d'une montagne en forme de cône, Chalencon, village de caractère, aux maisons en pierres de granit, domine depuis son oppidum le plateau de Vernoux, les contreforts des alpes et du Vercors à l'Est et la vallée de l'Eyrieux à l'Ouest.

Les innombrables chemins de randonnée qui partent de Chalencon offrent au regard du promeneur des paysages sculptés au fil des siècles par l'homme, les sources et les rivières qui demeurent intacts de beautés et de couleurs.

Cette gentille prose à touristes n’encourage guère, sinon pas, le désir d’un arpentage pédestre approfondi afin que des pieds remontent les sensations tant attendues exposées ci-un-peu-au-dessus. Faisant fi, le poète néanmoins s’y rend ; de Vernoux à Chalencon la route serpente, et le paysage, à l’approche du village, laisse présager une marche profitable. Suivons le poète qui se rend à la mairie récolter quelque renseignement qui le mettrait sur un beau sentier, mais où l’employée, non sans un sourire condescendant, vous renvoie au syndicat d’initiative situé un peu plus haut, dans le vieux village, lequel est, le vieux village, très typé, calme, dont le poète ne verra guère âme vive, maisons en pierre et rues empierrées forment une harmonie plaisante à recevoir dans les yeux, d’autant que la propreté et l’entretien des lieux semble être une préoccupation municipale que le poète constate non sans saluer mentalement cet effort-là mais :

le syndicat d’initiative ouvre à 15 heures

L

Il est 14 heures. Il faut par conséquence de quoi laisser passer l’agacement primaire qui s’impose immédiatement au poète qui se dit, sans la moindre pitié contre des horaires si peu adaptés aux circonstances estivales quoiqu’ils fussent probablement adaptés aux heures de sieste des habitants de cette région, voire, qui se dit… mais nous ne trahirons point les méchantes pensées du poète à cet instant-même, qu’il oublie dès qu’il aperçoit un balisage jaune et blanc au coin d’une maison, décidant alors de suivre, à l’instinct, ce balisage-là, un sentier de PR ; il marchera en suivant les indications de son instinct. Il fera demi-tour après deux heures (l’instinct sera simplifié à son maximum, le lecteur le constatera). Suivre le PR signifie, présentement, monter encore, abruptement, quoi permet d’une part une meilleure digestion mais aussi, surtout, soyons moins prosaïque, de découvrir les lieux en tant qu’ancienne place forte, puis, parvenu en haut, dominant village et vallée, marcher sur ce qui pourrait être les vestiges de l’oppidum, très empierré et casse-cheville, où le poète fera cette rencontre saugrenue d’une femme très très court vêtue sur le bas, et très très serrée sur le haut, et, au bout des jambes, portant des chaussures à talons d’une hauteur défiant celle de la tour Eiffel, et qui, à son passage, lui demandera, non sans une pointe d’inquiétude peu dissimulée, et avant que le mâle, à chemise dépoitraillante et bedaine débordante portée par des mocassins de ville, ne la rejoigne, « c’est loin Chalencon ? », à quoi, non sans un immense sourire esquissé à l’intérieur de son enveloppe corporelle, le poète répondra, « non, c’est juste en bas… », ensuite de quoi, il reprendra sa marche en accélérant le pas afin de s’éloigner au plus vite de ces opportuns susceptibles de contrarier la montée des sensations attendues. Le poète marchera un peu plus de trois heures en suivant son instinct de rythme, et dans le désordre de la mémoire entrecoupée de grands laps de vide il retiendra l’excitante impression d’avoir repéré un couple de grands corbeaux, l’amusante rencontre d’un troupeau de chèvres au cœur duquel régnaient deux boucs barbus et aux couilles fort pendantes, l’horripilante apparition, une nouvelle fois, d’un chien aboyeur et menaçant, la quantité impressionnante de fétuque bleue, la tranquillité d’une maison isolée, la sereine passivité d’un ancien assis sur un banc, l’heureuse absence d’êtres humains, un superbe potager, l’étonnante abondance de merisiers, la belle découverte de deux coulemelles, l’imprévue venue de bribes ou d’amorces de pensées que les pas font revenir du fond du corps-pensant, une entêtante odeur impossible à identifier (qui serait, pourra-t-on apprendre grâce à M., celle des fleurs de châtaigniers), les succulentes fraises des bois cueillies sur une bordure et mangées. Quoique la marche soit linéaire, rien de ce qui la concerne ne peut être jugé comme linéaire, un constant coq-à-l’âne la détermine, pensées ou perceptions ; et celle-ci suivit une pente fabuleuse et aura voire remué le fond littéraire du poète ; le désir d’écrire doit être maintenu sous tension.
DU BLOC

Le poète, machine en ébullition spirométrique et pneumatique et figure filée de soi soufflée jazzement (longuement + nerveusement + musicalement) dans un bloc de concrétion littéraire forgé par ses soins pensés comme agent actif du mestier de scripturie, le poète transforme le poème d’intention en structure dynamique complexe et fête de l’Intellect et fait concrètement de lui l’allégorique Poème —

lundi 31 octobre 2011

Le 22 juin 2011, le poème « Du bloc » sera élaboré selon le schéma suivant : le poème à figure filée de soi soufflé (allégorie) dans un bloc (le poème en bloc) à « structure dynamique » interne àest Poème (la majuscule de la figure allégorique) ; dans quoi il faudra faire entrer :
- connaissance et re-connaissance du réel (inspiré/expiré)
- poète spirométrique (physique) et pneumatique (intellectuel)
- facultativement : une référence au souffle selon Kerouac (: « je veux être considéré comme un musicien de jazz qui souffle un long blues dans une jazz session d’un dimanche après-midi »).
- facultativement : une référence à Öyvind Fahlström : « De tout ceci, il résulte que ce qu’ai appelé la concrétion littéraire, pas plus que la concrétion musicale et la non-figuration de l’art pictural, n’est un style ; elle est d’une part, pour le lecteur, une manière de vivre un art linguistique et, d’autre part, pour le poète, une libération, une légitimation de tout matériau linguistique et de tous moyens pour le travailler. »
- facultativement : une référence à la fonderie.

ð Le poème est un travail de montage.

(Voici posées quelques contraintes : nécessités à dire coulées dans de la syntaxe personnelle, tout en ne sachant pas d’avance néanmoins si toutes les contraintes posées pourront être sollicitées, quoi qu’il en soit, elles ont fonction de bases de lancement.)


Le 23 juin 2011, sur la dernière page de garde de son exemplaire de Tel quel (Paul Valéry), le poète a pris quelques notes :
EProvoquer l’accident : écrire.
E Le poète est un ratureur : la rature anéantit même et à jamais la notion d’inspiration (de spontanéité) ; le geste de raturer est une recherche du plaisir, voire de la jouissance, onaniste : le geste de raturer plusieurs fois le même mot ou la même phrase en incessant va-et-vient de la main ressemble à ce geste masculin.
ELe geste se travaille, la rature se travaille, car l’impossible perfection se veut : la mort heureuse ::::: sans la crainte (d’un dieu).
ELe travail manifeste le goût pour la maîtrise : maîtrise autant que possible de son destin d’écrire.
ELe poète pose des conditions préalables au poème, qui ne souffrent pas d’attendre.
EÉcrire un poème : élaborer un système interne qui produira un bel objet visuo-auditif.
ETravail sur le poème : lui faire contenir raisonnement et sensation : raisonnement de la perception et sensation de l’idée.

EEE :
Inspiration.
Supposé que l’inspiration soit ce que l’on croit, et qui est absurde, et qui implique que tout un poème puisse être dicté à son auteur par quelque déité, – il en résulterait assez exactement qu’un inspiré pourrait écrire aussi bien en une langue autre que la sienne, et qu’il pourrait ignorer.
(Ainsi les possédés de jadis, tout ignares qu’ils pouvaient être, parlaient hébreu ou grec dans leurs crises. Voilà ce que l’opinion confuse prête aux poètes…)
L’inspiré pourrait ignorer de même l’époque, l’état des goûts de son époque, les ouvrages de ses prédécesseurs et de ses émules, – à moins de faire de l’inspiration une puissance si déliée, si articulée, si sagace, si informée et si calculatrice, qu’on ne saurait plus pourquoi ne pas l’appeler Intelligence et Connaissance.

(…)

L’inspiration est l’hypothèse qui réduit l’auteur au rôle d’observateur.

(…)

L’être qui travaille se dit : Je veux être plus puissant, plus intelligent, plus heureux – que – Moi.

(…)

Un poème doit être une fête de l’Intellect.

(...)

L’idée d’inspiration contient celles-ci : “Ce qui ne coûte rien est ce qui a le plus de valeur.
Ce qui a le plus de valeur ne doit rien coûter.”
Et celle-ci : “Se glorifier le plus de ce dont on est le moins responsable.”